Elle croyait avoir gagné le droit de vivre sereinement ( Extraits de "Menaces")

Publié le 13 janvier 2024 à 15:31

Après son mariage avec Torann, Loënn a dû trouver sa place dans sa nouvelle vie, son nouveau clan, son ménage.

 

Enceinte de son premier enfant, elle pensait pouvoir envisager sereinement son avenir. Quelle erreur ! Autour d’elle, autour de sa famille, la menace grandit sans cesse. D’enlèvement en attentat, de tentative de meurtre en attaques d’envergure, le danger semble surgir à chaque pas.

 

Qui est vraiment Kobo, le chef de cette troupe de bandits qui sème la terreur sur son passage et se révèle prêt à tout ? Même à faire alliance avec l’ennemi héréditaire des clans fédérés, quitte à déclencher un massacre.

 

Autour de Loënn et Torann, le nœud se resserre.

 

Extraits :

 

« Effrayée, Loënn s’apprêtait à faire tourner bride à sa jument afin de redescendre et contourner la colline pour aller voir de près quand elle éprouva un terrible coup au cœur : le bruit de cavalcade s’amplifiait d’instant en instant et, de là où elle se trouvait, la jeune femme prit conscience de l’ampleur du drame. Les cavaliers du village, lancés à plein galop, allaient dévaler la pente de la combe. Le virage leur bouchait la vue, ils étaient inconscients de la présence du corps de Torann qui gisait au milieu du chemin. La horde allait lui passer dessus et le piétiner au passage. Loënn sentit tout son sang refluer vers son cœur. »

 

°°

 

« Torann semblait inquiet.

- Je savais que cette fille nous mentait, mais je crains à présent que ce soit plus grave que ce que j’imaginais. Pourquoi a-t-elle volé un corbeau, sinon pour avertir quelqu’un ? Je crois que c’était une espionne. Toute son histoire sonnait faux, de toute façon.

Or Mirha était pire qu’une espionne. Il fallut en convenir quand Ugomor, le prêtre du village, vint ce soir-là frapper à la porte. Très grave.

- Thass est mort, laissa-t-il tomber abruptement. On m’a envoyé chercher cet après-midi car il était au plus mal, mais je n’ai rien pu faire. Il a été empoisonné.

Torann et sa femme pâlirent pareillement.  »

 

°°

 

J’avais oublié. Oublié que les femmes sont aussi couardes. Loënn ne fait pas exception. J’aurais dû le savoir. Mais je suis quand même déçu. Bien sûr elle a peur, peur qu’on nous rattrape, peur de cet homme, sûrement. Je dois l’obliger. Elle me remerciera plus tard. Quand même, sa résistance était exagérée. J’ai du mal à comprendre. Après tout ce que j’ai fait ! Après tout ce que j’ai abandonné, tout ce que j’ai souffert ! Elle est quand même salement ingrate ! Elle aurait quand même pu manifester quelque chose, non ? De la joie, du plaisir, je ne sais pas. Comment peut-elle me contredire encore, s’accrocher encore à la coutume ou je sais pas quoi ? Est-ce qu’elle s’imagine que j’ai fait tout ce chemin pour ça ? Que je vais repartir et puis rien ? Après tant d’épreuves ? Rien à faire. Je suis venu chercher ce qui m’appartient et plus rien ne se mettra entre nous. Rien ni personne ! Je suis venu la chercher, je l’emmène. Elle est à moi. Si elle n’a pas encore compris, il est temps qu’elle le fasse. Mais il y a quand même une chose à laquelle je ne m’attendais pas : qu’elle soit enceinte. Si je tenais ce salaud ! De toute façon, elle ne gardera pas cet enfant.

 

 

°°

 

- Ce n’était pas la première fois que les Ardashirs lançaient un raid sur nos terres, dit-il. Ils reviennent régulièrement, aussi loin que remonte la mémoire de notre peuple. Et ils viennent toujours pour les esclaves, principalement. Or jamais, je dis bien jamais de mémoire d’homme, aucun de leurs captifs n’est revenu. Et nous, nous sommes incapables de traverser le Grand Désert. Certains l’ont tenté. Peu sont revenus, à demi morts de soif et d’épuisement. Ils disaient tous la même chose : ce désert de pierres s’étend sur des centaines de kilomètres, il n’y a pas un seul point d’eau, nulle part. Le vent vous harcèle continuellement et les nuits sont glaciales. De plus, sur ce sol caillouteux, les meilleurs pisteurs sont vite dépassés. Personne n’a jamais atteint les limites de cette étendue. Il y a là un secret qui nous échappe. Torann a fait plusieurs tentatives pour franchir cet obstacle, mais toutes se sont soldées par un échec. Nous avons tous les deux passé des heures et des heures à tenter de trouver un moyen. Je me disais… enfin j’espérais… mais peu importe. Le Grand Désert demeure invaincu.

 

°°

 

Comme je vous l’ai dit, parmi nous se trouvaient des femmes. Sans doute une première dans toute notre histoire… Certains avaient ri quand elles avaient voulu nous accompagner mais elles étaient en colère, Loënn, et rien n’a pu les faire changer d’avis. Certaines sont venues avec, pour armes, de simples fourches à foin. J’en ai vu une fracasser des têtes à coups de gourdin. Rien ne les arrêtait. Dans la bataille, elles étaient plus déchaînées que les hommes. Elles avaient vu brûler leurs maisons, elles avaient vu leurs maris et leurs enfants morts, vous comprenez ? Ou emmenés en esclavage. Sans compter que les Ardashirs ont le goût de la mise en scène macabre (../..)

Alors vous comprenez que ces femmes, qui avaient réussi à échapper aux agresseurs, aient été folles de douleur. Et de rancœur. Si j’ai appris une chose cette année-là, c’est qu’une femme poussée à bout n’a plus aucune limite. Elle devient plus dangereuse que tout ce que j’ai pu voir dans ma vie. Elles se sont battues comme des furies, Loënn. Certes, beaucoup se sont fait tuer. Mais même blessées, même mourantes, elles continuaient à hurler leur rage et leur haine.

 

°°

 

Le vent sifflait et hurlait depuis le matin, la neige tourbillonnait avec violence et tout était gris et blanc sous un ciel qui déjà s’assombrissait. La jeune femme se sentait inquiète. Torann avait dû s’absenter ce jour-là, toujours accompagné de l’indispensable Wilfur, et elle aurait bien aimé qu’il soit de retour. Tout dehors annonçait la tempête et la nuit serait bientôt là.

Elle retourna s’asseoir auprès du feu qu’elle tisonna, puis elle se releva, jeta sur ses épaules son manteau le plus chaud et sortit sous le porche. Les bourrasques de vent et de neige avaient gagné en violence et le vent, coupant comme la glace, était si froid qu’il lui coupa presque le souffle. Les flocons qui tourbillonnaient dans l’air étaient constitués de givre plutôt que de neige et piquaient comme des aiguilles. Ils tambourinaient contre les murs et le toit des maisons avec des bruits hargneux qui se mêlaient aux mugissements stridents du vent. La jeune femme ne s’attarda pas à l’extérieur.

 

°°

 

Autour de moi, l’air s’est brusquement coloré de rouge. J’ai pas pu m’en empêcher, je lui ai fichu mon poing dans la figure à cet idiot. Déjà, sans lui, j’aurais réussi. Mais me dire ça… que cette garce est… qu’elle a risqué sa vie pour LUI… J’ai pas supporté. Il avait pas à dire ça. Il est tombé en arrière et là, j’ai vu ses yeux… son visage. J’ai compris qu’il allait me trahir. M’abandonner. Or il faut qu’on s’en aille très vite. Ça au moins c’est vrai. Et sans un guide, je me perdrais forcément. Je me souviens encore des semaines que j’ai passé à errer sur les routes pour venir jusqu’ici depuis Vilanoë. Quand j’y repense… la solitude, le froid, la faim, l’incertitude… tout ça pour cette salope ingrate ! Oh non, je n’ai pas oublié ! Une nuit, j’ai même rêvé que je rappelais à Loënn, point par point, tout ce que je lui devais comme épreuves et comme souffrances. Je la tenais par les cheveux, bien serrée, et je parlais lentement, posément, pour qu’elle comprenne bien. Enfin, peu importe. Là, il fallait que je m’occupe de Gwillas. Heureusement, je le connais assez pour savoir que c’est un… pauvre type. Je l’ai attrapé par ses vêtements, je l’ai relevé et je lui ai asséné quelques vérités premières : je lui ai rappelé qu’il était venu avec moi et que jamais personne ne croirait qu’il n’avait rien à voir dans tout ce qui était arrivé. Que ce soit demain ou que ce soit dans dix ans, ça ne changera rien. Il était là. Il m’a amené jusque-là, il se tenait à côté de moi et peu importe qu’il n’ait pas tiré cette flèche : il savait ce que nous étions venus faire là ! Ça, il ferait mieux de ne pas l’oublier.

Je lui ai dit aussi que désormais, où j’irai il ira, content ou non. Je ne le lâcherais plus jamais. Et enfin je lui ai dit que désormais, ce serait moi qui prendrais toutes les décisions. Que c’en était terminé de vivre comme des gueux en volant ici une poule, ici un œuf. Que désormais, on allait s’organiser pour vivre correctement. Et faire ce qu’il faudrait pour. J’ai adoré voir son visage se décomposer et le sang s’en retirer. Il avait compris (pour une fois qu’il comprend quelque chose !).

De toute façon, nous n’avons plus rien à perdre. J’y pense depuis que j’ai dépouillé ces bûcherons. C’est la seule chose à faire.

Enfin j’ai dit à cette chiffe molle qu’il avait intérêt à ne pas faire l’idiot avec moi. Parce que dans le cas contraire, je lui réglerais son compte. Je lui ai dit qu’il allait devoir parler à sa bande de rebelles-pour-rire et bien leur faire comprendre que les choses dorénavant allaient changer.

Ce que je ne lui ai pas dit, c’est que moi je vais recruter une vraie bande. Parce qu’avec cette troupe de veaux vagissants qui pleurent sur leur passé, leurs villages, leurs familles, je n’irai jamais bien loin. Plus on sera nombreux plus nous pourrons tenter des choses d’envergure et donc vivre autrement que ce que nous faisions jusqu’à présent.

J’ai été surpris d’entendre le ton dur de ma voix. Mais j’ai vu que Gwillas commençait à avoir peur. C’est exactement ce à quoi je voulais arriver.

 

°°

 

- Ben t’as de la chance d’être encore en vie, mon gars, a dit l’un. Tu es salement amoché.

J’ai cru qu’ils parlaient de mon état général. Je n’avais pas encore compris et dans ce froid, tous mes sens étaient atrophiés. Ils m’ont emmené à leur village. Le chef m’a accueilli chez lui, j’ai eu à manger, chaud. Et des vêtements secs. « Le temps que les vôtres sèchent», ils ont dit. Tiens ! Comme si j’allais les rendre. A mesure que je me réchauffais, si certaines douleurs ont disparu, d’autres sont apparues. Mes vêtements gelés m’avaient irrité et écorché à maints endroits. Et mon visage me faisait très mal. J’ai voulu le toucher et j’ai vu que ma main était pleine de sang.

- N’y touchez pas, a dit la femme du chef. Mon mari a fait avertir le prêtre, il va vous soigner.

Là j’ai commencé à avoir peur. Soigner ? Je voulais poser des questions, mais leur prêtre est arrivé au même moment. Une espèce de vieux débris chauve comme la lune. Il m’a regardé et il a grimacé. C’était quoi, son problème ? Il a étalé sur mon visage un truc épais qui puait atrocement « pour endormir la douleur », il a dit. Tu parles ! Ce type était un vrai boucher. Il m’a fait horriblement mal. Et depuis, j’ai vu le résultat de ses « soins »…

Je suis resté là deux jours. J’aurais pu rester plus longtemps, mais le chef m’avait demandé mon nom. J’ai pas dit « Kobo », bien sûr. Il risquait d’avoir entendu parler de moi. J’ai donné le nom de mon père. Et là, il me dit comme ça : « je vais envoyer un corbeau à Esrenn-Daile pour avertir que vous êtes ici. Je vais écrire au prêtre, le nôtre a une mèche de ses cheveux ». Ouais, j’ai pensé. Et comme personne me connaît là-bas, ils vont se méfier. Ils vont avertir Torann, si toutefois ce fils de pute a survécu à sa chute et à son bain dans la rivière glacée. Et ils vont prévenir aussi son ours apprivoisé. Et sous peu, ils risquent de débarquer ici. Pas de ça.

Alors j’ai attendu la nuit et j’ai filé, en emportant tout ce dont je pouvais avoir besoin : une bonne fourrure épaisse pour les nuits, de la nourriture ainsi que quelques autres bricoles. Et puis mes nouveaux vêtements ainsi que les anciens. Pas de raison. Plus une deuxième paire de bottes, toutes neuves. Une aubaine. J’ai tout placé au centre de la fourrure et j’en ai fait un gros ballot que j’ai jeté sur mon épaule. Et puis je me suis sauvé. Sauf que le problème était toujours le même : je laissais des traces dans la neige et ils allaient me poursuivre. Je suis un chasseur, je sais de quoi je parle. La chasse en hiver, c’est tellement facile. Le gibier laisse des traces et il est engourdi par le froid et le manque de nourriture. C’est chouette. Très facile. Sauf que moi, je n’allais pas devenir gibier. Pas encore. J’ai marché le plus possible sur les rochers et aux endroits où la neige était la moins épaisse, en effaçant mes traces derrière moi. Depuis le temps, je commence à me repérer dans ce pays maudit et je savais à peu près où me diriger pour retrouver les autres. Mon visage me brûlait toujours et quand le jour est venu, j’ai décidé de voir ma blessure. Au bord d’un ruisseau, dans une petite cuvette tranquille, j’ai cassé la glace du bord pour me regarder dans l’eau. J’ai d’abord cru qu’il y avait quelque chose qui projetait une ombre sur mon reflet. Je me suis penché encore plus. L’eau était immobile. Mais ce n’était pas possible ! J’ai regardé au-dessus de moi, pour voir ce qui se superposait à mon reflet. Il n’y avait rien. Ni sur les côtés. Ni au fond du ruisseau. Alors j’ai hurlé. Je n’ai pas pu m’en empêcher. Non, non… J’ai plongé mes mains dans l’eau glacée et je me suis frotté le visage de toutes mes forces. Ça m’a fait mal. Ma blessure fraîchement recousue à recommencé à saigner. Mais je ne pouvais pas arrêter. Non, non ! J’ai hurlé à nouveau.

 

°°

 

Au moment où sa mère surgit, Fiyann se redressait sur les coudes, les yeux débordant de larmes et pourtant flamboyants de rage :

- Mon père vous tuera ! cracha-t-il avec hargne.

Loënn se sentit émue par cette confiance tout enfantine, à cet âge merveilleux où l’on croit encore que justice est toujours rendue, mais ce sentiment fut autant dire secondaire. Car en fait ce fut surtout la fureur qui lui incendia le sang.

- Ah ! Ah ! se gaussait l’homme qui se tenait debout face à son fils aîné (et qui probablement était cause de sa chute sur le sol). Bien belliqueux, cet asticot ! Allez viens, petit, viens !

Loënn vit rouge. Son premier réflexe fut de se jeter sur les deux hommes griffes en avant mais, brusquement, elle réalisa qu’elle tenait toujours en main l’épée de son propre agresseur. C’était la première fois de sa vie qu’elle touchait une épée et elle ne savait pas s’en servir, mais elle savait au moins ceci : une épée c’est du métal, c'est dur, ça a une pointe très dangereuse et des bords tranchants. Savoir cela lui suffirait. Touchez à ses enfants et vous transformerez une femme en louve ! Loënn poussa un rugissement de fureur qui venait du fond de ses entrailles et leva la lourde lame à deux mains, oubliant la douleur qui tenaillait son bras. Elle ne vit pas, ou plutôt ne prit pas garde à l’expression à la fois stupéfaite et horrifiée de ses enfants. Elle ne se rendait pas compte de l’image qu’elle renvoyait en cet instant, le visage tuméfié, le nez en sang, la robe déchirée en haut et fendue dans le bas (c’était arrivé quand elle s’était libérée un instant plus tôt, car elle était pressée et outre qu’une épée n’est pas un outil très précis, celle qu’elle tenait était affreusement lourde). En outre, elle était couverte de boue et ses yeux lançaient des éclairs. Le premier des deux hommes, celui qui tenait Kaël, n’eut pas le temps de réaliser. Son bras droit, celui dont il tenait l’épée qui tourmentait l’enfant, fut sectionné sous le coude. Levant brutalement sa lame qu’elle tenait toujours à deux mains, Loënn lui ouvrit les carotides et la jugulaire. Puis elle pirouetta sur elle-même et enfonça son épée dans le diaphragme du second assaillant. Elle n’y serait sans doute pas parvenue si entre-temps Drami et Dola, qui l’avaient suivie, ne s’étaient jetés sur l’homme, l’un happant son bras armé tandis que l’autre lui lacérait le mollet.

Loënn n’avait pas choisi l’endroit où frapper, elle s’était jetée sur le pillard l’épée en avant et l’arme s’enfonça au hasard. Son adversaire quant à lui tenait dans sa main une sorte de bâton muni d’une longue et sinistre griffe d’acier à son extrémité. Était-ce elle qui était responsable de la blessure que Fiyann portait au visage ? En tous les cas, elle entailla le dessus de la main et le poignet de Loënn jusqu’au milieu du bras. La jeune femme ne s’en aperçut pas. L’homme se plia en deux quand son arme le transperça et, sans état d’âme, après l’avoir dégagée elle leva son épée aussi haut qu’elle le put et l’abattit sur sa nuque, lui disloquant les cervicales. Sans doute, maniée par le bras d'un homme l'épée aurait tranché le cou tout entier, mais Loënn n'avait pas la force d'un homme. Et puis elle s'en fichait, la seule chose qui comptait étant que ses enfants soient saufs et que l'ennemi soit hors d'état de nuire.

- Mère !

Les deux jeunes garçons se précipitèrent dans ses bras.

- Mère, tu saignes ! Tu as mal ?

- Non, mentit-elle. Vite les enfants, il faut se dépêcher.

Mais les deux garçons, soulagés par la présence de leur mère, ne paraissaient pas vraiment conscients du danger.

 

°°

 

- Je vais te dire une chose, Kobo ou peu importe comment tu t’appelles… Oui, je sais parfaitement que ce n’est pas ton vrai nom ! Il n’y a qu’une seule et unique chose qui pourrait mettre Torann à genoux. Une seule. Que sa précieuse fédération soit anéantie. Mais ça, c’est pas toi qui pourras le faire. Même nous, qui avons essayé avant toi et qui connaissons bien les gens, les choses, on n’a pas réussi. C’est trop tard, tu comprends ?

Et il est parti. Moi, j’ai senti revenir l’espoir. Il est idiot. Et il a tort de croire que j’écoute jamais. J’avais très bien entendu, au contraire. Très, très bien ! Il aurait pas pu me dire ça plus tôt, ce lourdaud ?!

Je sais maintenant ce que je dois faire. J’ai bien entendu toutes leurs histoires. La Fédération n’a qu’un seul véritable ennemi. Moi j’en ferai un allié. Il y a forcément un moyen. Et ce moyen, je vais le trouver.

 

°°

 

Alors finalement, je les ai suivis de loin, sans me faire voir. Étant donnée leur taille, on ne risque pas trop de les perdre de vue. Le chemin de montagne était difficile, surtout dans le noir. J’étais en train de me demander si je ne devrais pas laisser tomber quand on est enfin arrivé. C’est une sorte de déclivité rocheuse avec quelques arbres ici et là et tout au fond, il y a un gouffre. Sans doute une énorme crevasse dans le sol (encore une fois, je ne me suis pas approché, moi je suis resté caché sur la hauteur. Je me suis même couché à plat ventre pour ne pas être repéré.

Sur tout le pourtour du gouffre, il y a des espèces de pieux enfoncés dans le sol. Les géants y ont accroché des torches enflammées. Ou plutôt, l’un d’entre eux l’a fait. Tous les autres s’étaient arrêtés à dix mètres de la crevasse. L’allumeur, là (sans doute leur prêtre ou ce qui en tient lieu), s’est ensuite planté au bord du vide. Il tournait le dos aux autres et a commencé à baragouiner je ne sais quoi en levant les bras vers le ciel. Il m’a fallu un moment pour voir que juste en face de lui, de l’autre côté de la crevasse, s’élève une espèce d’effigie en pierre. Elle est très grande et très grossière mais je crois que ça représente une sorte de femme. J’ai supposé que c’était la déesse que vénéraient ces sauvages. D’ailleurs au bout d’un instant, ils se sont tout prosternés sur le sol. Ils avaient l’air malins ! Toutes leurs simagrées ont duré un moment et puis le prêtre s’est retourné. J’espérais qu’il allait enfin se passer quelque chose. Ça a commencé par un son : un battement lent, régulier, profond, qui me faisait tressauter le cœur à chaque fois. On aurait dit le battement du cœur de la Terre elle-même. J’ai cherché d’où ça venait et vu, à chaque extrémité du gouffre, un énorme tambour presque aussi grand et aussi haut que… qu’une maison de taille modeste. Devant chaque tambour, un géant qui tapait dessus avec une énorme mailloche. Jamais vu un truc pareil. Il aurait fallu au moins trois hommes normaux pour la soulever. Les deux batteurs de tambour frappaient en rythme, exactement en même temps, rendant le son encore plus fort et plus profond. (../..)

Quand j’ai vu qu’il ne restait plus que trois prisonniers, j’ai rampé vers l’arrière et je suis rentré au village. Je savais qu’il me faudrait un certain temps et ces fichus géants avancent vite avec leurs grands pieds. Pas question qu’ils risquent de me voir à cet endroit. En marchant je me suis réchauffé un peu. J’entendais toujours le son du tambour. J’ai l’impression qu’on devait l’entendre dans toute la montagne. Je trébuchais légèrement, comme si j’avais trop bu : c’est ce bruit, j’en suis sûr. Il est totalement obsédant. Mon cœur continuait à taper à l’unisson et j’ai mis des heures à cesser d’avoir ce bruit dans les oreilles. Il me semblait que tout ce que j’avais vu continuait à se dérouler devant mes yeux.

 

Commentaire lecteur  (sur Amazon et Booknode) :

« Vraiment, je ne m’attendais pas à cela !
Épopée épique d’une jeune femme, mariée, contre son gré, à un puissant guerrier fédérateur de plusieurs villages. Loënn trouve sa place dans la vie politique de son mari, surtout auprès des femmes, pour lesquelles elle se bat.
La fédération est menacée par un ancien prétendant, devenu fou.
Quelle histoire ! Quel suspense !
Vivement la suite ! »

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