Ça y est, vous avez terminé d’écrire le texte sur lequel vous bûchiez. Ou du moins, vous avez terminé le 1er jet. Vous l’avez relu, retravaillé et vous en êtes satisfait(e). Voilà la question qui se pose à présent : faut-il faire appel à un(e) bêta-lecteur(trice) ?
Les avis sont partagés, alors je me propose de faire un peu le tour de la question, avec mes conclusions personnelles à la fin. Et avant d’envisager le type de bêta-lecture que l’on peut envisager, la question de base :
Faut-il faire bêta-relire son texte ?
Beaucoup d’auteurs hésitent à faire effectuer une bêta-lecture. Il peut y avoir plusieurs raisons pour ça :
- «on va me voler mon texte » ; s’agissant de services ou de personnes qui proposent une relecture, payante dans ce cas, certains auteurs ont la crainte du vol intellectuel. Personnellement je n’y crois pas trop et ceci pour plusieurs raisons : d’une part, il y a des moyens de « protéger » sa propriété intellectuelle, qui consistent souvent à pouvoir prouver que vous êtes bien l’auteur du manuscrit. Ensuite, comment dire cela sans froisser l’égo de quiconque ? Pour vouloir voler un texte, eh bien ! Il faudrait que celui-ci soit vraiment très, très, très bon. En tant qu’auteur, je suis bien placée pour savoir que l’on est généralement fier de ce que l’on a produit, écrit en l’occurrence. Et c’est bien normal. Mais soyons objectif : surtout lorsqu’on débute et qu’on n’est pas connu, il y a assez peu de chance pour que notre prose soit tellement extraordinaire que quelqu’un veuille se l’approprier.
- c’est trop cher, je ne veux pas payer pour ça (dans le cas d’une bêta-lecture professionnelle). Ah oui, certes : tout à un coût dans la vie. Mais bien que je ne sois pas forcément une autorité en la matière, je crois savoir qu’aucun éditeur ne se donnera la peine de lire jusqu’au bout un texte bourré de fautes de français, incohérent ou mal construit.
Et si l’on se tourne vers l’autoédition, raison de plus à mon avis pour avoir un avis extérieur et neutre.
- c’est MON texte, il est parfait, je ne peux (ne veux ?) rien y changer, pas la peine de le faire lire à quelqu’un qui va me dire qu’il y a des défauts. De toute façon, je ne changerai rien (ou, une variante : « personne ne peut vraiment comprendre mon texte et mes personnages, il n’y a que moi qui sait ce qui est bien ou pas, je n’ai pas besoin d’avis ».
- « je n’ai pas le temps ». J’ai fini d’écrire, je suis trop impatient, je l’envoie à un éditeur ou en autoédition tout de suite, plus de délais.
Chacun est évidemment libre de son opinion. A titre personnel, je suis persuadée que pour un projet d’importance, une bêta lecture est nécessaire.
Pourquoi ?
- d’abord, et là je parle d’expérience, on connait si bien son texte qu’on ne le voit plus. Il peut y avoir des incohérences ou des fautes grosses comme des autobus, là sous notre nez, on ne les voit plus tellement on connait le texte par cœur. Un regard neuf va être indispensable.
- ensuite parce que tout est tellement clair dans notre tête, le déroulement de l’intrigue, les enjeux, les tenants et les aboutissants, que bien souvent, exactement comme dans le point ci-dessus, on ne voit pas que nous n’avons pas explicité clairement les choses dans le texte lui-même et que ce n’est donc pas clair du tout pour le lecteur extérieur. Si, si, je vous assure : ça arrive tout le temps.
- parce que, eh bien, comment dire ? L’histoire peut nous sembler bonne mais être fade ou ennuyeuse et les personnages peu intéressants (oui, c’est dur à accepter).
- il peut y avoir de grosses incohérences, des réactions ou des passages illogiques, propres à sortir immédiatement du texte un futur lecteur.
Comme disais l’autre : cent fois sur le métier remettez votre ouvrage...
- enfin parce que quand on écrit, c’est généralement avec l’espoir d’être publié, donc lu. Un béta-lecteur, c’est un premier lecteur, qui va nous donner un avis global sur notre prose.
Quand ne faut-il PAS faire appel à un bêta-lecteur ?
Oui, oui, vous avez bien lu. Il y a des fois où il vaut mieux s’abstenir, et pour l’affirmer je me base sur des exemples concrets, que je connais. Je dirais qu’il est inutile de songer à une bêta-lecture si le texte (roman, nouvelle, etc) n’est pas terminé. Même s’il s’agit d’un premier jet, il faut quand même qu’il soit complet. Or je vois assez souvent des gens s’enquérir d’un bêta-lecteur « parce que j’ai écrit les trois premiers chapitres » et que je veux savoir si c’est bien.
Euh… pour le savoir, il faudrait avoir la suite : comment les choses s’enchaînent-elles ? Comment évoluent les personnages ? Quelle est la chute ? Quels sont les enjeux et comment seront-ils traités ?
Je pense que si l’on a des doutes sur son histoire elle-même, il vaut mieux essayer de la raconter à quelqu’un, du moins dans les grandes lignes. Mais pas demander un ou une bêta pour quelques chapitres, car il ou elle n’aura tout simplement pas les éléments en main pour fournir une réponse complète et argumentée.
Choisir son bêta-lecteur / sa bêta-lectrice
La première chose à ne SURTOUT PAS faire à mon sens, c’est de demander ce service à son meilleur copain, sa meilleure copine. Pourquoi ? Parce qu’il ne sera pas forcément objectif. Il n’osera pas nous dire ce qui ne va pas de crainte de nous vexer (l’inverse est totalement déconseillé aussi : prendre pour B.L. une personne qui vous déteste et se fera un plaisir de vous descendre en flamme avant de vous piétiner, histoire de vous faire comprendre à quel point vous seriez plus avisé d’aller vous pendre que de vouloir infliger au monde vos minables récits… ).
Plaisanterie mise à part, le bon copain ou la bonne copine, il faut l’admettre, n’ont pas forcément le profil de B.L.
Un bêta-lecteur doit être pourvu de sens critique et oser dire à son commanditaire ce qui ne va pas (mais avec tact, cela va de soi). Il ou elle doit aussi être une personne à l’aise avec la lecture et ayant une bonne maîtrise de la langue. Ah ! La langue ! Nous allons y revenir.
Je connais des personnes qui, justement, demandent toujours à leur meilleure amie de les relire. C’est précisément pour être sûres de n’avoir aucune critique et rien que des compliments. Même si ça fait plaisir, ce n’est pas le but.
Alors, choisir pour B.L. un membre de sa famille ? A voir. Attention, un proche vous connait si bien qu’il lira entre les lignes et devinera ce que vous avez voulu dire mais cela échappera peut-être totalement aux lecteurs extérieurs (oui, j’ai essayé). De plus, la personne qui vous touche de près pourra elle aussi avoir tendance à préférer garder pour elle-même ses réflexions négatives ou à vouloir absolument vous faire plaisir en vous faisant un retour positif, point barre.
Pour ce que j’en sais toutefois, il est souvent plus délicat de faire lire sa prose à un parent (au sens large) qu’à un ami ou une personne extérieur. On entend souvent des gens se dire gênés à l’idée qu’un de leurs proches découvre leurs écritures. Tout particulièrement s’il y a des scènes de sexe ou de violence. Oui, j’en conviens, moi aussi je trouve cela gênant : notre écriture représente souvent une part de notre personnalité que nos proches ne connaissent pas, ou peu.
Reste la personne extérieure (collègue, voisin, professionnel, connaissance). Si ce n’est pas un pro, il faut trouver quelqu’un qui accepte de se taper X pages et en faire un retour objectif, ce n’est pas toujours évident. Et évidemment, un professionnel est payant. Il existe des sites d’auteurs comme Cocyclic, dont les membres effectuent les bêta-lectures entre eux. De ce que j’en sais, le site est très bien coté et un certain nombre de ses membres a trouvé un éditeur.
Toutefois si cette solution ne coûte pas un centime, elle demande en revanche beaucoup de temps puisque, selon une règle souvent en usage sur ce type de forum, avant d’avoir un retour sur vos propres textes il faut que vous participiez activement à la vie du forum et que vous-même lisiez les textes d’autres personnes pour les commenter (il va de soi qu’un simple « j’adore » ou « c’est chouette » ne suffit pas, il faut rédiger un vrai compte-rendu de lecture).
En ce qui me concerne, j’ai fait le choix de faire bêta-lire mes textes par une professionnelle. Une personne totalement extérieure, n’ayant aucun lien avec moi et apportant un regard à la fois neutre et neuf sur l’œuvre. J’en ai été très satisfaite. En en délai d’un mois environ (un peu moins dans mon cas), elle m’a transmis un compte-rendu de plusieurs pages comprenant un résumé de l’ouvrage (important pour vérifier que l’intrigue est claire et compréhensible mais aussi pour voir s’il y a des passages redondants ou au contraire s’il manque des choses), une analyse rapide des personnages principaux, quelques axes d’amélioration, le ressenti global de la simple lectrice à mesure qu’elle découvrait l’histoire et les personnages, etc.
J’aurais sans la moindre hésitation encore recours à ses services. Je mets d’ailleurs ses coordonnées ici :
https://www.labetalectrice.com/
A savoir que cette personne travaille également en collaboration avec LIBRINOVA. C’est moins cher en passant par eux, mais pas forcément complet, selon la longueur de l’ouvrage, car alors elle ne lit que les 20 000 premiers mots (environ 50 pages).
Et la langue ?
Il fallait bien en parler à un moment. Pour ma part, je suis incapable de lire très longtemps un texte qui fourmille de fautes de français, peu importe qu’il s’agisse d’orthographe, de grammaire ou de conjugaison. C’est rédhibitoire et… inacceptable. Je pense que si on n’est pas très fort en français, il faut absolument trouver un ou une B.L. qui acceptera de corriger les fautes. A ma connaissance, les pro ne le font pas, ils se contentent de la cohérence du récit, de son intérêt, des personnages et de leur évolution. Après, rien n’empêche de chercher deux B.L., un pour la langue, un pour le texte. Mais attention, assurez-vous que votre correcteur est lui-même très bon en français, sinon, comme je l’ai vu à plusieurs reprises, il laissera passer des fautes et sa lecture ne servira donc à rien.
Pas simple tout ça, hein ?
Et vous, quel est votre avis sur la bêta-lecture ?
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