La fanfiction, littéralement « fiction écrite par un fan », a toujours existé (je me souviens des années 80 où les textes paraissaient dans des fanzines), mais évidemment, avec l’avènement d’internet, le phénomène a littéralement explosé.
L’idée de base, que l’on soit simple lecteur, auteur, ou les deux, c’est de prolonger le plaisir, de rester en contact avec un univers et des personnages que l’on aime. On comble les trous, on rajoute des épisodes, on invente un passé à des personnages qui n’en avaient pas et des fois… souvent… l’auteur amateur se laisse emporter et en vient à dénaturer complètement univers et personnages. Parfois même, avec la meilleure des volontés.
Si, si, ça existe : l’auteur apprécie un personnage mais, pour qu’il soit « encore mieux » (selon lui), il va radicalement changer son caractère. Et faire par exemple d’un personnage froid et distant quelqu’un qui a constamment la larme à l’œil et bafouille des mots d’amour souvent très creux. Il correspond ainsi à l’idéal de l’auteur de fiction, mais plus du tout à ce que son créateur avait en tête. Et ce n’est qu’un exemple.
Bien entendu, il existe aussi des auteurs de fanfics qui salopent volontairement un personnage qu’ils n’aiment pas, ou qui font tout pour le rendre ridicule. Sûr, ils se font plaisir. Par contre, c’est dégueu à lire.
Je vais citer une personne s’étant exprimée sur le site fanfiction.net dans le cadre d’un débat sur le sujet : « En plus, quand on pense "auteur de l'œuvre originelle" et "fanfiction", on pense toujours "mpreg/slash crados avec multipartenariat ou hétéro pourri avec scène de viol précédant une déclaration d'amour/fic écrite en sms avec moult niaiseries, incohérences et fantasmes affreux mal assumés par leur auteurs".
Or, c’est malheureusement exact. Et je comprends donc d’autant mieux que parmi ceux qui sont opposés à la fanfiction se trouvent des passionnés, qui adorent positivement l’œuvre d’origine et estiment sacrilège de vouloir la retoucher, ou rajouter, etc.
Je connais aussi ceux qui ne comprennent tout simplement pas l’intérêt : l’histoire est là, elle existe, pourquoi vouloir en rajouter ?
Je pourrais également citer une femme-auteur (oui, sans e !) qui de son côté jurait qu’elle n’écrirait jamais de fanfiction car « elle refusait de se servir de quelque chose qui existait déjà et qu’elle n’avait pas inventé elle-même ».
Là, je ne parle que de gens que j’ai croisé moi-même. Ce sujet étant très largement discuté sur le net, je sais qu’il y a encore beaucoup d’autres arguments.
Pour ma part, je suis à la fois lectrice et auteur (toujours sans e). Malgré tout, j’ai des réticences très marquées sur certaines choses.
Quiconque s’est aventuré dans le domaine, même comme lecteur, a très vite vu qu’il existait deux écoles : ceux qui respectent le matériau d’origine et les autres.
Pour les premiers (dont je fais humblement partie) l’univers doit être respecté et surtout, surtout les personnages doivent rester rigoureusement eux-mêmes. Du moins dans toute la mesure du possible car voilà : nous n’avons pas créé ces personnages, nous les interprétons. Ils ne seront jamais sous notre plume ce que l’auteur d’origine avait en tête. Mais enfin, on peut au moins faire tous nos efforts pour ça ! Respecter leur caractère, leur personnalité, leurs attachements ou leurs haines (et c’est là que le bât blesse).
Pour les autres adeptes, tout est permis, « c’est le principe même de la fanfiction ». Donc on change les caractères, on change la vie des personnages, parfois on change l’univers (y compris du tout au tout), et surtout, et avant tout, on change : les amis, les ennemis, les amants. Tant qu’à faire, pourquoi se gêner, on change carrément le sexe des personnages, pour faire des couples homos ou hétéros mais enfin, des couples qui plaisent à l’auteur de la fanfic. Et je considère tout cela comme le comble de la trahison. Et même comme le comble de l’horreur !
Parlerais-je de l’hyper classique : un personnage issu de notre monde, qui le plus souvent est une version idéalisée de l’auteur, intègre l’univers de l’œuvre où il va tout changer et trouver l’amour, bien évidemment. Une fois sur deux, ce personnage presque toujours féminin est en plus une Mary-Sue (physiquement parfaite et plus forte, intelligente et douée que tous les autres réunis. Tout le monde l’aime, l’écoute, l’admire et elle sauve tout le monde à la fin après avoir imposé ses propres valeurs).
Ou la variante, l’irruption dans l’univers d’un personnage qui sans être « mary-suesque » mais qui reste une projection de l’auteur lui-même va se trouver totalement en porte à faux (par exemple une fille en jean aux cheveux courts dans un univers où toutes les femmes portent robes longues, cheveux longs, etc), personnage qui va se mettre à revendiquer sa liberté à grands cris, va, encore une fois et contre toute cohérence, imposer ses valeurs à tout le monde et réussir à tout changer, tout seul. Pour finir bien entendu dans les bras du personnage favori de l’auteur.
Beurk ! Excusez-moi, je vais vomir.
Comme par hasard, au détriment de toute logique, ce personnage ne se fait jamais claquer la gueule ou trucider comme il est pourtant évident que ça devrait arriver.
Robin Hobb a une approche très critiquée par les auteurs de fanfiction mais que je comprends totalement : « "Au point le plus bas du spectre, la fanfiction devient un fantasme masturbatoire personnel où le fan interagit avec le personnage de l'auteur. C'est malsain."
Oui Madame Hobb, je me retrouve parfaitement dans vos paroles.
Vous l’aurez compris, je fais partie des puristes qui ne supportent tout simplement pas ce genre de licence. Comment peut-on prétendre vouloir rester en contact avec un univers et des personnages qu’on aime si l’on change tout ? Beurk ! (oui, j’ai encore des nausées).
Après l’incursion de personnages farfelus, la Mary-Sue (ou plus rarement le Gary-Sue, la version masculine), le pire travers de la fanfiction c’est le slash (relations homosexuelles). Pardonnez-moi, il faut que je retourne vomir.
Oui, oui, je vous entends, j’entends ce concert de voix indignées m’accusant d’homophobie. Sauf que… ben non. Je prends un exemple simple : si vous connaissez la série « Lucifer », vous savez que le personnage principal, surtout dans les premières saisons, collectionne les aventures d’un soir avec des partenaires des deux sexes. Idem pour la démone qui l’accompagne et qui finit même par épouser une autre femme. Bon. OK. Ça ne me choque ni ne me gêne le moins du monde.
En revanche, le slash en fanfiction fait plus que me gêner : ça me débecte. D’abord, parce que c’est fait grossièrement : l’auteur veut mettre ses deux personnages préférés ensemble, et puis c’est tout. Voire faire copuler des ennemis mortels, parce que lui il aime bien le gros con de l’histoire, alors bon ! Ensuite, parce que c’est un effet de mode. Enfin et surtout, parce que ça représente ce que je hais le plus en fanfiction : le fait de changer les personnages. Changer à la fois leur caractère, leurs sentiments, leur orientation sexuelle, pour moi c’est insupportable. Imbuvable. Détestable.
Surtout quand les auteurs n’ont rien d’autre à raconter que des scènes chaudes, décrites avec complaisance mais, pour ce que j’en ai entendu dire (je parle par ouïe dire puisque moi je ne lis pas ça), souvent fantasmée. Et le summum du pire : se vautrer avec complaisance dans des relations incestueuses. Non seulement répugnant mais encore carrément malsain.
Alors en tant que lectrice, et je sais que je ne suis pas la seule dans ce cas car, en fanfiction, on trouve aussi de nombreux adeptes du canon pur et dur, c’est juste : poubelle. Je ne peux pas lire ça. Si je commence et que je vois que ça tourne à… ça, je dégage immédiatement. Si c’est clair dès le résumé, je passe mon chemin. En courant et en me bouchant le nez.
Ça, c’est mon point de vue de lectrice et d’auteur occasionnel de fanfictions.
Mais que faut-il à présent penser de la fanfiction…. en tant qu’auteur d’œuvres originales, que des fans vont vouloir réutiliser à leur sauce ? Certains écrivains (Robin Hobb par exemple, puisque nous parlions d’elle) interdit catégoriquement l’écriture de fanfictions à partir de ses romans. De sorte que si vous trouvez sur le net des fanfics sur l’univers de « L’assassin royal », « Les aventuriers de la mer » etc, elles sont illégales et le site qui les publie risque des poursuites.
Je sais pour l’avoir lu sur des forums que certains auteurs de fanfiction ne comprennent pas l’attitude de ces auteurs et estiment pour leur part que dès lors qu’un écrivain a publié un livre original, ce dernier appartient au public. C’est un point qui pourrait sans doute se discuter et donner lieu à débat mais légalement, c’est faux !
En effet, en France en tous les cas : « l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial », article L111-1 CPI.
On peut ajouter l'article L121-1 CPI : "L'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible".
Et cela ne concerne pas que les écrits. Ainsi, l’illustrateur qui crée les couvertures de mes livres, même s’il me donne tacitement le droit d’utiliser son œuvre pour illustrer la mienne, demeure propriétaire de tout ce qu’il a réalisé.
Il y a des gens qui estiment que la fanfiction enrichit l’univers et les personnages dont elle s’inspire. Personnellement, je réfute totalement cette affirmation : la fanfiction, qu’on la lise ou qu’on l’écrive, est un passe-temps, un loisir. Un jeu, en fait. On s’amuse avec l’univers et les personnages, mais comme je l’ai dit plus haut, il ne faut jamais oublier que même en voulant respecter le canon, on interprète forcément. Toujours. Chacun à sa manière. Tout simplement parce qu’on n’est PAS l’auteur d’origine, celui qui a créé tout cela et dont chaque décision a été réfléchie. Jouer avec une œuvre ne peut en aucun cas l’améliorer !
Certains assurent également que la fanfic est un hommage à l’auteur et son univers. Cette question elle aussi pourrait se débattre, mais honnêtement, je ne suis pas convaincue. Encore une fois, les auteurs écrivent pour leur plaisir personnel avant tout.
Au fond, si l’on veut être honnête il faut admettre que les arguments en faveur de la fanfiction, eh bien… ne sont que… de un et demi. Numéro un : le plaisir de l’auteur. Numéro 2-si-l’on-veut : pour quelques auteurs, la fanfic sert aussi à améliorer son style d’écriture, enrichir son vocabulaire et travailler sa maîtrise de la langue. C’est chouette et très positif, malheureusement cela ne s’applique qu’à un tout petit pourcentage des auteurs. Pour avoir longuement traîne mes guêtres sur les forums, je peux vous assurer que la majorité des auteurs refusent systématiquement tout commentaire critique, que ce soit sur le fond ou sur la forme. Et le dernier des scribouillards analphabète, dès lors qu’il publie un torchon bourré de fautes ne veut qu’une seule chose : des compliments. Et il n’acceptera rien d’autre. Quand ces gens daignent vous répondre, ils piochent dans une litanie à base de : « ce n’est qu’une histoire », « je me relis pas c’est chiant », « moi je veux juste m’amuser » quand ce n’est pas carrément «cé pas importen ce que tu di, ce ki conte cé que sa plé a mais paute ». Et d’autres du même tonneau.
Alors maintenant que j’ai fait ce grand tour d’horizon, qu’est-ce que j’en pense moi, en tant qu’auteur d’histoires originales ? Cela peut paraître contradictoire, ou paradoxal car comme je l’ai dit il m’arrive d’écrire des fanfictions, pourtant, au vu de tout ce que je viens d’écrire, je pense que ma position est claire : si un jour mes romans venaient à devenir suffisamment célèbres pour inciter certains lecteurs à vouloir écrire leurs propres fictions à partir de mes textes… je m’y opposerai absolument. Énergiquement. Catégoriquement.
Il existe de très bonnes fanfictions. Vraiment. Malheureusement, à côté de cela il y a aussi, soyons honnêtes, des tombereaux de déchets dont certains sont bien nauséabonds. Et le souci c’est qu’on ne peut pas choisir et filtrer les auteurs. C’est tout le monde ou personne.
Honnêtement, moi je ne supporterais pas qu’on change mes univers, ni la personnalité de mes personnages que j’ai minutieusement travaillés, encore moins leurs affinités ou leurs antipathies, etc, etc, tout ce que j’ai détaillé plus haut.
Ni qu’on les fasse changer d’univers, ou inversement qu’on invente des personnages improbables.
Alors non.
Juste non.
Définitivement non.
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